Kurt Bruner et Jim Ware nous proposent un ouvrage qui peut paraître osé - voire déplacé - à plus d’un évangélique !
Certes, J.R.R. Tolkien s’affirmait chrétien ; c’est d’ailleurs en partie à son contact que son ami athée C. S. Lewis rencontra le Christ. Cependant, la foi de Tolkien était différente de celle qui germa chez son collègue irlandais. En effet, l’illustre auteur des récits de la Terre du Milieux était un fervent catholique (comme vous ne le verrez absolument pas dans le film de 2019 qui lui est consacré).
Qu’est-ce à dire alors ! Un livre invitant à « trouver Dieu » dans de la fantasy, et en plus venant d’un catholique ! De quoi inquiéter un protestant légitimement soucieux de rester dans le cadre du Sola Scriptura (principe selon lequel l’Écriture seule fait référence pour la foi). Mais que l’on se rassure : si les réflexions des auteurs parcourent l’univers imaginaire de Tolkien, leur carte est la Bible et leur boussole le Christ. Kurt Bruner est d’ailleurs pasteur, diplômé en théologie tout comme Jim Ware, qui est lui-même auteur de romans.
Nos deux compères ne cachent d’ailleurs pas les limites de leur démarche : comment savoir si les points de connexions qu’ils proposent entre la Bible et la saga de l'anneau étaient bien à l’esprit de l’auteur ? Ne projettent-ils pas leur propre foi sur des récits qui n’en demandent pas tant ? Je dois avouer que c’est bien ici la raison pour laquelle j’ai commencé ma lecture avec une pointe (assez épaisse) de scepticisme quant à sa valeur spirituelle.
Cependant, je dois admettre que les parallèles que proposent les auteurs sont si pertinents et les réflexions qu’ils en tirent si judicieuses que je suis sincèrement heureux d’avoir lu ce livre. Les rapprochements proposés entre l’imaginaire de Tolkien et la Révélation de Dieu sont à-propos (rien ne paraît “tiré par les cheveux”) et les leçons pratiques qui en sont tirées nettement conformes à la foi biblique.
Cela ne signifie pas que je considère désormais l’œuvre de Tolkien comme étant “chrétienne” en soi mais je reconnais qu’il y réside certains éléments, inspirés de la Bible, qu’un chrétien peut reconnaître. Si ceci est évident dans les choix éthiques des personnages, c'est à mon sens surtout dans la perception donnée du mal (son origine, sa nature, son action et la juste position face à celui-ci) que l'ouvrage est pertinent.
Une seule ombre au tableau : la personne en charge de la traduction française ne connaissait visiblement pas l’univers de Tolkien (elves est traduit quasi-systématiquement par lutins. Reconnaissons qu'imaginer Legolas en lutin, ça ne rend pas pareil. On s'attend à combattre Gargamel plutôt que Sauron).
Si l'on accepte de faire abstraction de ce dernier point, ce livre peut être un excellent pont entre cet univers imaginaire, si apprécié par de très nombreuses personnes, et la Révélation biblique, si peu – ou mal – connue par ces mêmes personnes. L’occasion d’un premier pas pertinent pour balayer certaines idées préconçues, contourner certains obstacles de « la religion » en allant directement à de véritables interrogations spirituelles (la nature en tant que Création, la présence et l’action du mal, nos faiblesses humaines, l'invisible mais souveraine Providence de Dieu, etc).